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Le Goncourt du Schwendi
19 octobre 2006

Rencontre des écrivains à Troyes

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Lundi 2 octobre les Lycéens du Grand Est ont rencontré 4 écrivains au théâtre de la Madeleine à Troyes :

Antoine Audouard, Christophe Bataille, Gilles Lapouge

et Amélie Nothomb.



La salle du théâtre se remplit peu à peu...

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On en profite pour prendre quelques photos.   



Après quelques minutes d'attente les auteurs arrivent. Sous les feux des projecteurs ils ne font que distinguer la salle qui leur fait face mais ils avouent tous être impressionnés.

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Voici donc un petit aperçu de l'échange entre lycéens et auteurs en cet après-midi du 2 octobre.

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(Christophe Bataille, à droite)


Christophe Bataille

- Le titre de votre roman "Quartier général du bruit " est-il un titre polémique ?

- Il m’a été donné par un ami : Franz Kafka. Dans son livre « Journal », Kafka se plaint de sa famille et en particulier de sa sœur qui fait du bruit. Il a écrit «  La famille, c’est le quartier général du bruit ». La vie de Bernard Grasset est celle d’un fou, d’un éditeur passé en maisons de repos et soumis à les électrochocs, thérapie de l’époque. C’est quelqu’un qui a la passion du livre mais qui est capable d’éditer Proust et Hitler.
S’occuper d’une maison d’édition c’est un petit métier, Gallimard doit rassembler peut-être 200 personnes. Ces gens qui font les livres luttent contre le temps, les images. Ils ne sont pas écoutés dans un monde dominé par les images, le cinéma, la télévision. Il faut se battre contre plein d’obstacles.
Je voulais raconter comment ça se passe de l’intérieur ( avec les émotions, la folie…) Je voulais raconter les coulisses, l’envers du décor.


J’ai travaillé dans les cosmétiques à Londres. On en était arrivé à me demander de porter le parfum de la maison. Pour moi c’était comme une dictature. L’édition c’est un métier récent. Au 19ème siècle, il y a vait des auteurs, des imprimeurs. Aujourd’hui, l’édition est devenue un métier avec du marketing, des chiffres de vente… Des choses belles, des choses laides.


- Votre livre présente Grasset comme un fou. Comment Grasset a-t-il pris les choses ?

- Grasset est mort en 1956. La personne qui dirige Grasset a trouvé que c’était une bonne définition de l’éditeur.


- Votre personnage mange du papier. Pourquoi ?

- Cette idée m’est venue grâce au roman «  Les illusions perdues ». L’apparition du papier a révolutionné l’information avec les journaux. Un secrétaire s’était mis à manger du papier, d’abord par lambeaux puis de façon plus conséquente jusqu’au jour où un traité de paix entre la Suède et la Russie qui devait passer à la signature avait disparu, mangé par ses soins. Le coupable fut fusillé. Quand on aime les livres, vraiment, ils sont parfois bouleversants, ils changent notre vie et on peut en crever.

- Vous avez un style particulier dans votre écriture. Pourquoi ?

- Je suis encore dans une recherche formelle. C’est plus difficile et j’ai perdu pas mal de lecteurs. Mais sinon on a l’impression d’être un auteur du 19ème siècle…
J’ai une désir très littéraire, je cherche à travailler la langue. Tout ne s’arrête pas à Verlaine et Eluard. Je défends l’idée que le combat esthétique n’est pas mort. Je pense qu’il faut cogner dans la langue car la recherche n’est pas finie.

- Pourquoi avoir choisi cette image sur le bandeau ?

- C’est en fait une photo de Grasset dans les années 30. C’est vrai qu’on dirait Charlie Chaplin jouant Hitler.


- Dans votre ouvrage vous dites que Bernard Grasset est amoureux des livres et pourtant on constate que son obsession est de vendre 

-    Grasset disait que la littérature c’était l’électricité + les mots. Les éditeurs aujourd’hui cherchent à faire des trucs compliqués : vendre et publier aussi les livres qu’on aime. Les éditeurs font 10 livres qu’ils aiment, en gros, et vivent avec un livre. Celui qui se vend alimente les autres.

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(à gauche Antoine Audouard, à droite Gilles Lapouge)


Antoine Audouard


- Votre livre a-t-il une dimension autobiographique ?

- Je suis né après la seconde guerre mondiale. Mon père est né au Vietnam, il est rentré en France en 1915 à l’âge d’un an. Je me souviens du sabre colonial de mon grand-père, qui avait une affection spéciale pour ce sabre. Mon père dormait avec ce sabre quand son père lui manquait trop. L’arrière plan émotionnel est donc un peu autobiographique.

En fait la fascination est née avec ce pays, avec ces gens, il y a une dizaine d’années. C’est devenu une obsession, j’étais fasciné par la beauté de ce pays, de ses paysages. C’est aussi une lecture de l’histoire face à une guerre qui aurait pu ne mas être, une guerre qui nous a marqués et nous marque encore.

Il s’agissait de garder une trace de cette mémoire. Elle passe à travers la souffrance et la beauté, d’émotions qui me sont propres. J’ai essayé de rendre compte des 2 faces de la médaille. J’ai essayé de confronter la mémoire française à la mémoire tonkinoise.

- Quelle est votre situation par rapport au thème de la repentance ?Faut-il avoir honte d’être Français ?
- Dans mon livre, le soldat qui parle est un « fort en gueule » avec une sensibilité profonde. Dans nos guerres coloniales, les Français se sont alliés avec des gens qui ont cru en eux et les Français leur ont fait croire qu’ils allaient les aider. Il s’est passé la même chose en Algérie, on a assisté à un bégaiement de l’histoire avec le massacre de ces personnes.
C’est une tache dans notre histoire, quelque chose qui n’est pas souvent dit et il y a nécessité d’arriver à le dire. Il faut aussi qu’on arrive à accepter cette part de l’histoire. Il ne s’agit pas de repentance ou de fierté, même pas d’un « devoir de mémoire », mais du devoir de comprendre.
C’est vrai aussi dans nos vies individuelles. Tout n’est jamais parfaitement bien. On ne doit pas s’arrêter à «c’était bien » « c’était mal ». Il faut se pencher sur son passé et comprendre comment on en est arrivé là. Pour avoir la capacité dans l’avenir de donner une réponse meilleure, on a besoin de se replonger dans notre histoire, de savoir et de comprendre. 


- Quand vous écrivez un livre qu’est-ce qui est le plus important pour vous ? Est-ce un refuge, est-ce la morale que vous voulez faire passer ? 

- Surtout pas une morale. On n’est pas pour ou contre, on est avec un personnage jusqu’au bout. Les émotions sont beaucoup plus compliquées que le bien ou le mal.


- Pourquoi avoir choisi l’histoire d’un fils à la recherche de son père ?

- Dans mon histoire c’est un homme qui est malade et qui veut voir son fils pour lui parler mais il ne pourra pas le faire . Il va mourir avant. C’est arrivé à un ami. Et pour moi ce silence devait être brisé.

- Comment choisissez-vous les noms de vos personnages ?

- Je case des noms de copains. Karaz est le nom d’un jouer de tennis, il sonnait bien. J’utilise aussi le nom de gens que je n’aime pas.

- D’où vient le titre de votre livre ?

- Il est inspiré de la légende vietnamienne du début de l’ouvrage.

- Que pensez-vous du métier d’écrivain ?

- Tous les gens de la chaîne du livre en vivent. Les seuls qui sont dans une posture beaucoup plus délicate ce sont les écrivains. Le livre constitue une petite industrie où la source de la richesse, les écrivains, n’en vivent pas, en règle générale. Il existe quelques exceptions heureuses. Finalement c’est un métier qui n’en est pas un.

Amélie Nothomb
    - Où cherchez-vous vos idées ?

    -Je n'en ai aucune idée. Elles viennent et c'est un grand mystère.    
  En fait ce livre m’a été inspiré par un fait précis. En mai 2005, une hirondelle est entrée dans ma chambre. Elle était complètement  affolée. Je l’ai poursuivie partout dans ma chambre pour la sauver. J’ai vécu l’épouvante de cette hirondelle. Heureusement pour elle cela a fini de façon moins dramatique que dans mon livre.

- Comment justifiez-vous le fait de manger du papier ?

- Dans mon histoire il s’agit d’un secret à préserver. Urbain a compris que le seul moyen de préserver ce secret c’est de le manger. Mais il sait aussi qu’à forte dose cela tue. Il y voit ainsi la solution de son problème.

- Si vous deviez qualifier votre roman en un mot que diriez –vous ?

- Difficile puisque j’ai mis de nombreuses pages… Une nécrologie.

- Votre héros se gave de la musique de Radiohead. Pourquoi avoir choisi ce groupe ?

- Les 3 derniers albums de Radiohead m’ont déterminé à écrire ce livre. C’est hypnotique et dépourvu de nostalgie. Je les ai trop écouté. Faites-le et vous verrez ce que vous deviendrez…

- Quelles sensations avez-vous ressenties à l’écriture de votre livre ?

- Une très grande exaltation, beaucoup de froid.
C’est très mystérieux d’écrire ce livre. Quand j’écris une scène de meurtre, j’ai la conviction de commettre le meurtre. C’est très exaltant.

- Vous identifiez-vous à vos personnages ?

- Je m’identifie à tous mes personnages, que ce soit un homme ou une femme. Le sexe n’est pas un ghetto.

- Faites-vous la différence entre un pistolet et un revolver ?

- Oui. En Belgique un pistolet c’est un petit pain fourré, très gras. Donc, oui, je fais la différence.


- Comment choisissez-vous les noms de vos personnages ?

- Urbain : veut dire à la fois citadin et poli.

- Youri en japonais veut dire lys qui est le symbole de la pureté.


Gilles Lapouge

Où avez-vous trouvé l’inspiration pour votre livre ?

- Dans ma mémoire. C’est le décor de mes 13 à 17 ou 20 ans. Toute la famille se retrouvait dans les «Basses Alpes» chaque été entre les 2 guerres.

Le décor est vrai mais les personnages sont extraordinaires. Ce sont des personnages que peut-être j’imaginais à l’époque. On s’inventait des histoires. C’est ainsi que le cantonnier est né. Le facteur symbolise la route, l’échange entre les hommes.

- Pourquoi écrivez-vous dans un style poétique ?

- Je ne l’ai pas fait exprès. J’essaie de m’en protéger.

- Pourquoi ce titre ?

- C’est l’éditeur qui a choisi.
C’est un bois qui existe vraiment. Pour nous il symbolisait la frontière du village. Au delà commençait le monde étranger. Mais c’est un livre sans amoureux. Il y a des gens qui aiment le lieu où ils vivent. Je voulais faire un livre sans cadavre, avec peu de méchants. Un livre sans violence.



- Pourquoi avoir écrit un livre sans histoire ?

- Le livre trop souvent, va directement d’une situation initiale à une fin en passant par une énigme. Dans la vie réelle cela ne se passe pas ainsi. Je comparerai un roman à un fleuve. Le mien serait plutôt un delta.


- Votre livre est-il un roman ?

- Le roman a une forme libre. Tous les désordres peuvent intervenir.
Parrain Elie est un personnage capital. Il est paralysé  et presque aveugle.

Le cantonnier est un passeur qui aime les gens et veut apporter le monde aux autres. Les gens ne sont pas solitaires. D’ailleurs il est une phrase importante dans ce livre que répète le cantonnier très souvent «  Moi, si j’étais moi…. » ce qui veut dire que je suis aussi l’autre et l’autre est aussi moi.

- Est-ce que vous vous identifiez à Julien  ?

- Je connais des gens qui ont du Julien en eux. Ils ont une certaine vision des choses. Il a réussi à mettre de la vie dans ce village. Son passage a permis de sortir ce village de sa torpeur.

   

Questions communes aux 4 écrivains


    -     Pensiez-vous devenir écrivain ?

- Amélie Nothomb : - Non pas du tout. Quand j’étais petite je voulais être dieu.

- Christophe Bataille : - J’ai mis 8 ans pour écrire 140 pages…

- Antoine Audouard : -Je n’avais pas le choix : mon père était écrivain,, mon parrain aussi. Pour moi il n’existait pas d’autre métier. J’ai travaillé dans l’édition. Pendant 20 ans je n’ai pas écrit. Mais là c’est une histoire de fantômes, Ils m’ont tiré par les pieds.

    -   Gilles Lapouge : - Je suis journaliste depuis 58 ans.

- Pourquoi écrivez-vous ? Avez-vous peur de ne pas être compris ?

- Gilles Lapouge : - J’aime écrire car je peux devenir n’importe qui. Le romancier peut se balader de « moi » en « moi».

- Amélie Nothomb : - Je ne peux pas faire autrement. Bien sûr j’ai peur des malentendus.

Antoine Audouard : - J’écris par ce que je suis tombé amoureux. Il ne faut pas avoir peur de ne pas être compris.

- Christophe Bataille : - Publier des livres c’est d ‘abord marcher sur les plates-bandes de quelqu’un.

- Y a-t-il un livre qui vous a marqué votre jeunesse ?

- Antoine Audouard : - La Chanson de Roland et plus particulièrement la scène où Roland sonne dans l’olifant. En écrivant mon livre, j’ai repensé à cette histoire

- Gilles Lapouge : - Mme Bovary

- Amélie Nothomb : - La mort est mon métier de Robert Merle

Christophe Bataille : - Je n’ai pas de livre particulier mais peut-être le film « Platoon »


Nos impressions sur cet événement :

- C'était une journée intéressante mais le voyage en bus était long. Certains auteurs avaient l'air décontracté comme Christophe Bataille, et d'autres semblaient crispés comme Amélie Nothomb. Quentin

- Amélie Nothomb est stylée : son côté dérangé et mystérieux est assez attirant. Aurélien

- Ce fut une très bonne journée. la rencontre était intéressante malgré la froideur de certains auteurs( Amélie Nothomb). Emmanuel

- C'était intéressant de rencontrer de grands auteurs contemporains avec leurs avis croisés. Antoine

- J'ai bien apprécié les réponses brèves et directes d'Amélie Nothomb. Yannick

-  J'ai été très marquée par Amélie Nothomb et la façon dont elle "remballait" les lycéens. Sabrina

- La journée à Troyes était géniale. On a pu voir ceux qui lisaient les mêmes romans que nous et rencontrer les écrivains. Mickaël

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